De la défense des savoirs critiques

Si le titre, en insistant sur la « défense » de ces « savoirs critiques » étudiés par les sciences sociales, laisse présager un texte d’intervention polémique, ce livre est en fait très exigeant, s’ouvrant sur des chapitres qui rappellent l’histoire de l’université (notamment après mai-juin 1968) pour se poursuivre sur des considérations épistémologiques (avec l’articulation entre le descriptif et le normatif, l’objectivation ne signifiant pas, pour les auteur·es qui s’appuient sur les écrits de Max Weber et Émile Durkheim, l’abandon total des valeurs, contrairement à ce que peut en dire Nathalie Heinich).

Pour répondre à des écrits polémiques qui prétendent remettre en cause le caractère scientifique de certaines études sociologiques (de genre, post-coloniales, etc.) par un discours paradoxalement très peu scientifique et très politique, Michelle Zancarini-Fournel et Claude Gautier ont donc choisi, à l’inverse, d’écrire un texte rigoureux.

Il s’agit donc d’un texte destiné à un public d’étudiant·es ou de chercheur·euses en sciences sociales plutôt qu’à un public profane, même si le dernier chapitre, qui revient sur des enjeux touchant plus directement des questions d’actualité, intéressera aussi un plus large public. Dans ce dernier chapitre, les auteur·es reviennent sur des polémiques récentes, comme les attaques contre l’intersectionnalité (jugées provenir d’un conflit générationnel, dont le livre de Gérard Noiriel et Stéphane Beaud serait un exemple) ou encore les attaques contre un supposé « wokisme » (mot épouvantail désignant les idées opposées aux discriminations) de l’IEP de Grenoble.

Si la rigueur est la force de ce livre dans le débat au sein du champ des sciences sociales, sa difficulté d’accès empêchera sans doute le grand public de s’en emparer pour contrer les discours obscurantistes actuels qui s’attaquent aux sciences sociales sous couvert de lutte contre « l’islamo-gauchisme » ou contre le « wokisme ». Un livre à lire si l’on est directement concerné par la recherche en sciences sociales, donc, étudiant·e ou chercheur·euse.

Une réflexion sur “De la défense des savoirs critiques

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